Entre le Kazakshtan et la Chine la frontière géographique est vaste ! A l’inverse, culturellement… la situation est plus compliquée.

C’est en bus que nous entrons donc dans le Xinjiang (新 xīn « nouveau » et 疆 jiāng « frontière, territoire limitrophe » qui signifie « nouvelle frontière »), région autonome de l’ouest chinois, frontalière du Kazakhstan. Etant donné qu’il est impossible de la franchir à pieds, des officiers Kazakhes nous ont aidés à trouver un bus pour passer. L’organisation du poste frontière chinois est impeccable, les gens attendent en files sans se bousculer et dans le calme. Il est même possible d’attribuer une « note » à l’officier en charge de vous délivrer le tampon d’entrée via un petit écran, si l’officier est trop long ou pose trop de questions, vous pouvez lui attribuer smiley mécontent… Et lorsque des officiers gardent mon passeport un peu plus longtemps que la normale, c’est juste qu’ils souhaitent prendre une photo de celui-ci, mais qu’ils n’osent pas me le demander franchement… Le nombre de Français qui passent par là ne doit pas être très très élevé !

Je suis avec Pierrick, nous désirons commencer le stop pour nous rendre à Urumqi, Capital du Xinjiang, première grande ville chinoise sur notre route. Sur les panneaux de signalisation, ou publicitaires, le Russe a laissé place aux sinogrammes chinois et dans la rue les gens parlent, ou plutôt crient, le mandarin, mais malgré cela, on est loin de la Chine que nous avions imaginée… Mon premier repas sera même un Plov ! Mon plat d’Asie Centrale favori ! La différence entre nos attentes et la réalité vient probablement du dramatique raccourci que nous faisons en France (ou ailleurs) en parlant des « Chinois » pour qualifier la totalité des gens vivant dans ce pays… presque aussi vaste que le continent européen (Attention je ne parle pas de l’Union Européenne mais bien du continent européen !). Cela revient à confondre un Russe de St Petersbourg avec un habitant de la région d’Alentejo au Portugal ! Une hérésie pour nous, mais comme dirait OSS117 : « N’oublions pas que pour eux, nous sommes tous les mêmes ! ».

La République Populaire de Chine est composée de 22 provinces PLUS cinq régions autonomes PLUS quatre municipalités pour les plus grands villes PLUS deux régions administratives spéciales (Macau et Hong Kong). Le Xijiang où nous nous trouvons actuellement est la plus grande des cinq régions autonomes, la plus connue étant… le Tibet ! Les régions autonomes sont des divisions territoriales où vivent une part importante de minorités, bien qu’elles ne soient pas forcément majoritaires. Et en Chine, des minorités il y en a officiellement… cinquante-cinq plus la majorité, les Han, ceux que l’on appelle communément « les chinois » mais qui sont eux-mêmes linguistiquement divisés, avec plusieurs dialectes, et plusieurs variantes régionales du chinois mandarin !

Nous nous trouvons donc dans la région autonome Ouïgoure de « Xinjiang ». Vous l’aurez compris, bien que l’on soit en Chine, la différence avec l’Asie Centrale n’est pas flagrante ! Il nous est même possible de parler avec le même vocabulaire que nous utilisions au Kazakhstan. Cette région est si vaste qu’à elle seule, elle est frontalière avec pas moins de huit pays et pas des plus petits : Russie, Mongolie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Afganistan, Pakistan et Cashemir Indien ! La partie sud de la région est composée du Désert du Taklamakan, le plus important au monde, ainsi que le pôle terrestre d’inaccessibilité, c’est-à-dire le point de la terre ferme le plus éloigné d’un rivage du Globe, situé dans le désert de Dzoosotoyn Elisen, second plus grand désert chinois.

Nous sommes depuis plusieurs dizaines de minutes en train d’attendre un véhicule, à l’ombre d’un arbre car la chaleur est cuisante dans cette région fin juillet, lorsqu’un véhicule fini par s’arrêter. En réalité, les deux chauffeurs de taxi à qui nous avons expliqué notre manière de voyager quelques minutes plus tôt grâce au document magique de Pierrick ont téléphonés à un ami qui n’est pas taxi mais qui passe par là pour lui demander de nous prendre au passage ! Et nous voila en voiture avec notre premier conducteur Ouïgour en Chine ! Vous apprécierez la qualité des tissus utilisés pour les sièges de la fourgonnette qui nous transporte maintenant…

Le conducteur nous déposera une centaine de km plus loin… à la gare de bus d’une ville sur notre route et s’énerve devant notre refus de prendre le bus ! Nous ne comprenons pas trop pourquoi, alors qu’il était plutôt sympa il remonte dans son camion en râlant, et repart en trombe. Nous sommes maintenant au milieu de la ville, heureusement, nous ne sommes pas encore dans les gigantesques villes Chinoises et nous quittons la ville en marchant une petite heure !

Nous reprenons le stop sur un grand axe qui mène directement à Urumqi, nous sommes à proximité d’un point de contrôle de charge des poids lourds géré par des policiers qui nous font signe de les rejoindre. Ceux-ci sont très amusés de nous voir voyager de cette manière, et souhaitent nous aider. Après nous avoir offert des fruits et de l’eau fraiche, ils finissent par arrêter un véhicule (Type 4×4) pour lui demander de nous prendre gratuitement, le conducteur accepte et nous conduira directement… à Urumqi! Où nous arriverons très tard ! Les « pauses-GPL » nous mettent gravement en retard. Ce sont des heures d’attente à chaque pause (tous les 200km environ)… Le véhicule de marque chinoise s’avère très inconfortable, les standards de taille ne sont pas les mêmes que les nôtres et l’assise est douloureuse après quelques heures… rien de terrible, mais j’espérais un peu mieux de ce 4×4 ! Nous arrivons en pleine nuit chez Kimberly, notre hôte C.S. à Urumqi, qui héberge déjà six autres voyageurs ! Elle dort d’ailleurs dans le salon, sur un canapé pour laisser sa chambre à un couple de voyageurs !!

Le lendemain cette fois-ci c’est clair, nous sommes en Chine ! L’immensité de cette ville en plein développement fait clairement rupture avec ce que nous avions connu ces dernières sem… ces derniers mois ! Mais partout, la culture Ouïgour est là, les petits restaurants dont les enseignes sont retranscrites en Arabe, les pains « Lipioshka », les lagmans,… Un restaurateur sera même enchanté lorsque je réponds machinalement « Larhmet », « merci » en Ouïgour, au lieu du Xié Xié chinois !

Nous passons quelques jours sur place, le temps de gouter quelques spécialités, de célébrer mon 25ème anniversaire, de découvrir de nouveaux fruits tel le “DragonFruit”, de visiter la ville dont les parcs, eux, sont clairement chinois, entre pagodes et chemins pavés le calme de ce premier parc visité en soirée ne reflète pas complètement la réalité de tous les parcs Chinois que je visiterai plus tard !

Nous découvrons aussi les premiers plats chinois, commandés au hasard sur des menus totalement incompréhensibles ! Sur-épicés ils vous font couler le nez et sachant que se moucher est parfois mal vu et considéré comme impoli… Comment faire? Cracher tout simplement ! Sans oublier de se racler la gorge bruyamment au préalable ! Tous les chinois ne sont pas de la même éducation à ce sujet, mais il n’est pas rare que dans les restaurants plus populaires, comme dans les rues, les gens crachent à même le sol ce qui n’est pas sans vous irriter les premières fois…

Notre route se poursuit ensuite vers Turpan, à 150 km à l’Est d’Urumqi, une des principales oasis qui jalonnaient la branche nord de la route de la soie, située au nord de la deuxième plus basse dépression du globe (-154m au point le plus bas) après celle de la mer morte. Cette ville est majoritairement Ouïgour et l’arabe est très présent sur les panneaux, publicités et enseignes!

Aucun mérite à celui qui lui attribua le surnom de « Four de la Chine » : la chaleur qui y règne est insoutenable, probablement aux alentours de 45°C-50° au plus chaud. Et le vent n’est pas là pour vous rafraichir, les courants qui émanent des vignes semblent… nous réchauffer lorsque l’on se ballade le long de celles-ci! La région produit énormément de raisin!

Nous partons malgré la chaleur visiter le Minaret d’Emin, érigé en 1777-1778, il a été réalisé par des artisans de la région qui n’utilisèrent que des matériaux locaux, bois et briques pour honorer les exploits d’un général issu de la ville. Le résultat est saisissant, la mosquée semble avoir été taillés dans le décor, la couleur des briques couleur sable et les formes et ornements inspirés par un style arabo-Ouïgour font de ce minaret, le plus haut de chine (44 mètres), un symbole de la mixité et de l’histoire de la région dans laquelle nous nous trouvons. Il fut érigé sous la dynastie Qing, dernière dynastie chinoise avant qui pris fin en 1912, pour laisser place à l’actuelle république de Chine.

Nous sommes effarés par les tarifs des billets d’accès dans les monuments et parcs ! Nous faisons demi-tour devant l’entrée du Parc au raisin qui a pourtant l’air très agréable à visiter, mais 10€ pour s’y balader une heure ou deux… non merci ! Demi-tour, repas dans un restaurant en plein air, à l’ombre des vignes où les enfants sont amusés de voir des étrangers et en profitent pour pratiquer leur anglais !

C’est une petite heure avant la tombée de la nuit que nous reprenons le stop , notre prochaine destination est Xining, et nous souhaitons dormir en chemin ! Un premier véhicule, plein, s’arrête. Les occupants insistent pour nous faire monter, nous refusons bien qu’à l’approche de la nuit et alors que l’on souhaite quitter la ville il est difficile de dire non. Mais qu’importe, monter à deux avec nos sacs dans un véhicule déjà plein ne nous tente pas, bien que les véhicules de cinq places semblent pouvoir contenir bien plus d’occupants dans cette région ! Alors que la nuit tombe un autre véhicule s’arrête, avec de la place cette fois-ci ! Un père et son fils : ils ne parlent pas un mot de chinois mais à l’aide de mon dictionnaire Anglais-Chinois le jeune adolescent nous écrit le mot suivant :

Incroyable, une fois de plus alors que l’on pensait dormir dehors, nous voilà en route pour Shanshan, où nous sommes hébergés par une très sympathique famille de trois personnes ! Le stop réserve toujours autant de surprises. Il est difficile de communiquer mais avec le dictionnaire, les mains et quelques photos nous arrivons à nous comprendre ! Après un repas en famille, le jeune adolescent dont je n’arrive pas à retenir le nom même après lui avoir demandé dix fois, nous conduit sur la place principale de la ville très animée à la nuit tombée entre musique, personnes qui s’adonnent à différents sports (Basket, Roller, etc), attraction pour les enfants,… Les gens préfèrent sortir à la nuit tombée plutôt qu’en journée pour éviter les fortes chaleurs !

Après une nuit dans une chambre climatisée, le père de famille nous emmène prendre un petit déjeuner en ville, lait de soja, you tiao (beignets non sucrés), Bao tze (pain vapeur à la viande), oeufs durs, le tout accompagné de pickles!

Il est difficile de leur expliquer que l’on ne souhaite pas prendre le bus pour quitter la ville, alors qu’ils insistent fortement pour nous le payer ! Alors que l’on marche sur la route principale en direction de l’autoroute, nous sommes suivis par l’adolescent qui essayera de nous payer un taxi en douce, le principe de l’autostop ne semble pas le convaincre plus que ça! Mais nous refusons, le remercions et continuons le stop! Nous trouvons quelques minutes plus tard un conducteur qui nous propose de nous déposer sur la bretelle d’autoroute vers Lanzhou. Prochain arrêt, Xining !