Je suis avec Yogo, nous marchons le long de la route qui devrait nous mener à ce lac que nous sommes si pressé de découvrir ! Après trois heures de Machroutka, nous sommes maintenant à « Balykchy » petite ville située à l’extrémité ouest du lac.

La ville est déserte, le long de la route qui semble se perdre à l’horizon se suivent de nombreuses petites maisons d’un seul étage et blanchies à la chaux. La ville semble vide, pas de vie derrière les petites fenêtres aux volets bleus, écaillés par le temps. C’est probablement l’ambiance qui règne qui me donne cette impression, le manque de couleurs dans ce décor trop clair, poussiéreux et entouré de vastes étendues de plaines désertes et rocailleuses qui s’élancent sur les montagnes en arrière plan. Pourtant ce gigantesque lac ne doit pas être loin, à quelques centaines de mètres tout au plus ! Probablement derrière une ou deux rangés de maisons adjacentes, qui nous barrent la vue !

Effectivement, quelques instants plus tard, en jetant un œil dans une rue perpendiculaire, j’aperçois une étendue d’eau et une plaine verdoyante à 200 m de nous environ, nous touchons au but! Nous nous engageons dans cette petite rue non goudronnée qui débouche sur une voie de chemin de fer sur laquelle joue des enfants et derrière laquelle se trouve la rive ouest du Issyk Kul ! Nous rejoignons rapidement la très petite plage, toute proche, les instants suivants se passent de commentaires, la vue perdue dans l’horizon montagneux entre ciel azur, et l’eau claire de ce lac tout simplement magnifique !

Plusieurs locaux sont encore sur le sable à profiter des derniers rayons de soleil en contemplant le lac, il est trop tard pour s’y baigner, le soleil commence effleurer la cime des montagnes et nous ne savons pas où dormir et ça va rapidement devenir notre priorité. Je mets toutefois ma main dans l’eau pour en apprécier la température en vue de futures baignades et malgré l’altitude (1600 m), l’eau n’est pas si froide, même carrément agréables pour les amateurs d’eau fraiche ! Son nom « Issyk kul » ou « Ysyk-Köl » en kirghiz (Ысык-Көл) signifie d’ailleurs lac chaud car il est légèrement salé et ne gèle pas en hiver. Long de 182 km et large de 60 km dans sa plus grande mesure, ce lac est le deuxième plus grand lac de montagnes au monde. Il est situé entre les crêtes du Terskey Ala Tau et du Kungey Ala Tau, deux branches montagneuses du Tian Shan qui semblent « orner » le lac !

Après quelques minutes d’admiration, la question de dormir refait surface ! Nous repartons vers la rue principale, abordant quelques passants pour savoir s’il est possible de trouver un endroit calme pour y passer la nuit ! La seule réponse que nous obtenons dans un premier temps c’est « la ville est dangereuse la nuit ! Ne dormez pas dehors ! ». Ok, mais où alors ? Une vieille dame nous propose de nous héberger… pour 20$ chacun ! Hors de question ! Nous lui expliquons que nous n’avons pas beaucoup d’argent et sa réaction est plutôt étrange, elle comprend très bien, et plutôt que de nous proposer un éventuel meilleurs prix, elle nous présente à un homme, à l’air patibulaire qui nous fait comprendre qu’en cas de problème/danger/agression cette nuit, nous pouvons compter sur son aide, il nous défendra, il suffit de venir le retrouver là où il se trouve… Nous ferons d’autre rencontre pas franchement constructives donc un Kirghiz très sympas et complètement ivre qui nous conduira (dans une Lada) à travers la ville pour nous déposer tant bien que mal devant un hôtel plutôt luxueux semblant sortir de nulle part !

Nous ne nous sentons pas particulièrement en danger, mais devant l’étrangeté de la situation, qui ne semble pas s’arranger et nous met « un chouya » mal à l’aise nous avons une idée : Allons diner, on réfléchira mieux le ventre plein !

Nous essayons alors de demander au restaurateur s’il est possible de dormir dans son restaurant à la fermeture, mais celui-ci refuse, tout en nous mettant, une fois de plus, en garde sur la dangerosité de la ville la nuit, à cause des alcooliques, nous essayons aussi de discuter avec des locaux présents dans le restaurant, dans l’espoir de nous faire inviter, en vain ! Mais TOUS nous redisent que la ville est dangereuse la nuit…

Cette fois-ci c’est décidé, nous quitterons la ville pour dormir ! Le trek commencera plus tôt que prévu tout simplement ! Mais un nouveau problème se pose, nous n’avons pas de carte… impossible de savoir où se trouve à peu près le prochain village, la prochaine ville où il sera possible de se ravitailler ! A vouloir vivre plus « l’aventure au jour le jour » que dans les villes où tout est parfois trop simple grâce au site « Couchsurfing », nous avons même omis de prendre une carte !

L’idée était de se perdre sur les rives du Issyk kul, hé bien, à peine arrivés que l’objectif est presque atteint…

Sur la rive du lac se trouve toutefois un hôtel, plutôt luxueux, nous nous y rendons pour demander une carte du lac et de ses environs, mais ils n’en ont pas. Le jeune garçon à l’accueil accepte tout de même de nous imprimer une carte grossière du lac et de ses alentours en deux exemplaires !

Cartes en poches, nous voila parti le jour commence à fuir derrière les montagnes, il était temps de prendre une décision, la route ne contournant pas le lac par le chemin le plus court, nous décidons de couper à travers la plaine verdoyante vers la rive sud du lac pour gagner du temps.

Alors que nous entamons notre marche, nous croisons de loin un groupe de kirghiz qui semblent être à l’apéro, ceux-ci nous interpellent, j’incite Yogo à me suivre pour aller discuter avec eux, ils sont notre dernière chance de trouver un endroit où dormir rapidement ! Yogo n’est pas très motivé, et c’est compréhensible, mais me suit malgré tout, en m’approchant je reconnais notre conducteur (un peu moins) ivre mais en train de refaire le plein…

Fatigués, agacés, nous voulons reprendre notre route, mais son groupe d’amis arrive pour nous faire la conversation ! Finalement un peu festifs mais loin de l’état de notre conducteur qui essaie en vain de nous raconter quelque chose en anglais, nous discutons quelques instants, puis l’un d’entre eux nous propose de venir passer la nuit chez lui ! Il semble très sympa, et souhaite nous inviter dans sa maison familiale, avec sa femme, ses enfants,… Enfin ! Après quelques heures de galères, tout s’arrange ! Nous prenons un taxi avec lui, il habite sur les hauteurs de la ville, plus au nord, à 3 ou 4 kilomètres du lac. Depuis le perron il est possible d’aperçevoir le lac et les montagnes, au sud!

Jakou vit dans une belle maison, avec un jardin relativement grand, qui sert principalement à cultiver des fruits et légumes. Sous le même toit vivent 4 générations, la maison se développe au fur et à mesure que la famille s’agrandie !

A notre arrivée, nous sommes immédiatement invités à boire le thé Kirghiz en compagnie de sa femme et de son arrière grand-mère qui nous parlera de Napoléons, entre autre… En attendant que le thé soit prêt, ils sont très heureux de nous offrir du Choro, cette boisson marron grumleuse faite de levure… Le thé kirghiz est un thé noir très fort qu’il faut diluer dans de l’eau et/ou du lait. Pour accompagner le thé sont présent du pain maison, des beignets natures maisons et des confitures maisons ! Un vrai régal, même si nous avons déjà mangé, difficile de résister !

Nous passons la soirée avec Jakou et sa famille, à expliquer tant bien que mal nos voyages, nos vies, nos rencontres, et nous terminons la soirée en regardant un match de la coupe du monde (Italie – Croatie) qui se joue en Ukraine, diffusé à partir 00h00 au Kirghizstan avec le décalage horaire !

Le lendemain matin, nous avons de nouveau droit au thé kirghiz et ses accompagnements, avant de prendre quelques photos avec eux et de reprendre la route ! Avant de partir, Jakou nous offre chacun un chapeau typique du Kirghizstan “ak-kalpak”, moi qui avait justement perdu ma casquette ce cadeau tombe on ne peut mieux !

Nous retournons vers le lac, à pied cette fois, et en chemin nous faisons la connaissance d’une prof d’anglais qui nous invite à prendre le thé chez une de ses amies… à peine 20 minutes de marche et déjà la première pause ! Nous aurons cette fois droit, en plus du pain et de la confiture, à du poisson séché et fumé que nous avons vu de nombreuses fois dans les vitrines des boutiques sans oser y gouter… mais celui-ci est préparé maison et par conséquent très bon. Mais à 10h00 du matin à peine, entre quelques “tartines” et tasses de thé, plutôt difficile de l’apprécier à sa juste valeur !

11h00, nous reprenons la marche, la dame nous invite à repasser chez elle à la fin de notre séjour pour s’y reposer une nuit ! L’hospitalité kirghize nous ouvre définitivement ses portes ! De retour sur les rives du lac, nous entreprenons la traversée de la pleine, par là où nous avions rencontré Jakou la veille ! Nous marchons un moment dans l’herbe et au fur et à mesure, le terrain devient de plus en plus marécageux… Lorsque nous nous rendons compte qu’il est impossible de passer par là il est trop tard, après avoir essayé plusieurs chemins, nous sommes déjà au milieu des hautes herbes et où que nous allions la situation se détériore. Nous marchons dans la boue durant 1 heure avant de rejoindre finalement la voie de chemin de fer à l’Ouest, pour retourner sur la route deux kilomètres plus loin. Tout le monde nous a mis en garde contre l’hypothétique dangerosité de la ville mais personne pour nous dire d’éviter la zone de marécage… Sans le savoir Jakou nous a évité une vraie galère hier alors que nous marchions dans la même direction à la tombée de la nuit !

Cette fois-ci nous suivrons la route, nos cartes approximatives en poche nous estimons pouvoir atteindre rapidement à la marche le premier village avec nos chaussures trempées et pleines de boue !