Je foule maintenant le sol Kazakh, premier pays d’Asie centrale que je vais traverser.

Cette région du monde n’est pas tellement connue en France car coincée entre un Moyen Orient dont les médias raffolent et une Chine qui tient à prouver sa puissance au monde. L’Asie centrale est mal connue excepté grâce (à cause ?) du film « Borat ».

La réalité est bien sûr totalement différente de ce qui en est présenté dans le film. Le Kazakhstan est un Pays composé principalement de steppes, qui fut peuplé autrefois de cavaliers nomades turcophones qui évoluèrent en clans sur de très vastes territoires. Les coutumes et traditions de cette époque et de celle de l’invasion par l’armée Mongole, dirigée par Gengis Khan sont encore très présentes au Kazakhstan et se retrouvent dans une grande partie des campagnes de l’Asie Centrale. Au musée d’Almaty, il est possible de voir costumes traditionnels de cavaliers, des yourtes,…

Dans ce vaste pays, pas question de perdre du temps dans les steppes, à essayer de faire du stop ! Cela reviendrait à se dessécher au soleil et je finirais par gaspiller le précieux temps qui m’est accordé par le visa ! C’est en train couchette que nous traverserons les steppes, en direction d’Almaty l’ancienne capitale du Pays.

Astana, la nouvelle capitale à été inaugurée en 1998 par l’actuel président Kazakh, au pouvoir depuis 1990. Almaty reste la plus grand et la plus peuplée des villes kazakhes même si tout est entrepris pour faire d’Astana, LA ville la plus moderne et la plus « belle » du Kazakhstan. La ville est actuellement en grand chantier, de nombreux édifices et quartier devraient voir le jour d’ici quelques années et le Kazakhstan en fait déjà la promotion touristique.

Nous commençons le stop tout proche du poste frontière, dans le but de rejoindre la gare pour se renseigner sur les trains, je lève le pouce et le premier véhicule s’arrête instantanément ! Il nous dépose à la gare directement et lorsque nous descendons du véhicule, il nous annonce qu’il est taxi et nous demande 20$ pour la course. Evidemment nous refusons, rien n’indique sur son véhicule qu’il est taxi, c’est peut de temps après que comprenons que c’est la norme au Kazakhstan, tout le monde est taxi en gros… Pour la confusion et la course, je lui cède deux Manat qui me restent d’Azerbaïdjan ! Le chauffeur est dégouté, lui qui pensait faire l’affaire de la journée !

Deux bonnes nouvelles arrivent ensuite, premièrement le prix du train est tout à fait abordable, la seconde, il reste de la place ! Il arrive que les trains soient complets pour plusieurs jours et qu’il faille attendre ! Notre train part dans l’après midi, juste le temps pour nous de trouver un lieu pour manger, ce sera finalement dans une petite cantine, comme il en existe de nombreuses au Kazakhstan, les plats sont variés et la qualité n’est pas trop mal pour le prix. La seule condition pour manger, c’est de réussir à commander quelque chose…

Notre train entre en gare à 15h, à l’intérieur je découvre l’ambiance de ces trains mythiques à l’instar du transsibérien. Après une semaine passé dans l’apparente modernité offerte par la capitale Azérie, je me sens dépaysé dans cette rame, par les échos de conversations en Russe, ces visages aux traits définitivement asiatiques, avec ces couchettes en cuire rouge vieilli, le service d’eau chaude qui fonctionne au charbon et le mobilier dont les formes et l’état laisse deviner qu’il a traversé plusieurs décennies.

L’agent de bord, une femme d’une quarantaine d’année très agréable et souriante, repli le marchepied qui donne accès au quai, referme la porte et quelques instants plus tard le paysage se met à défiler. La ville d’abord mais très bientôt, les steppes, magnifiques, arides et interminables, que je contemple en savourant une tasse de thé, la première d’une longue série !

Le soleil se couche, sur ces steppes qui ne nous quittent plus depuis plusieurs heures, qui se répètent à l’infini, avec de temps en temps quelque rocheuses ou étendues d’eau, pour le plus grand bonheur de nos yeux qui se reposent fixant l’horizon, laissant la pensée contempler et voyager loin de ces choses, trop près du corps et des passions qui peuvent parfois vous compliquer la vie pour rien. « Regarde au loin » disait Alain… Je me sens presque anormalement calme et détendu.

Le paysage et le mobilier ne sont pas les seuls intérêts de ce voyage, la promiscuité induite par ce voyage en train est propice à la rencontre, à l’échange avec de nombreuses personnes, principalement des locaux, ou des Russes en vacances. Comme d’habitude les curieux passent et repassent devant nous, essayant de capter un regard, d’accrocher une parole, un « éleu maille nam ise… » avant de finalement se lancer et nous poser des questions totalement incompréhensibles pour nous qui ne parlons ni Russe, ni Kazakh, ni Allemand,… « Paruski Niet ! ». Heureusement la barrière de la langue n’est jamais insurmontable, et nous sympathisons avec nos voisins de couchettes ! Ils ont beaucoup de questions et rivalisent d’ingéniosité pour nous les faires comprendre avec les mains ! Beaucoup s’interrogent sur mon prénom qui est d’après eux « un prénom Kazakh » puis me demande si je suis marié, si j’ai une voiture, si j’aime la vodka, de quelle région de France est-ce que je viens… Après les questions viennent les « Nicolas Sarkozy Finish ? », « Brigitte Bardot / Joe Dassin / … very good ! » et d’autres remarques sur la culture musicale ou cinématographique Française ! Lorsqu’ils me demandent quel personnage célèbre je connais de leur pays, je suis incapable d’en citer plus d’un, le président actuel du Kazakhstan : Noursoultan Nazarbayev (J’ai appris son nom lorsque j’étais à l’ambassade pour faire mon visa Kazakh…), le second qui me vient à l’esprit, c’est Borat… la honte ! Le pire c’est qu’ici ils connaissent ce personnage « Borat » et nombreux sont déconcertés par l’image que le film du même nom a donné de leur pays et de leur culture, et je les comprends! La réalité est tellement loin de l’image d’un pays post-soviétique totalement arriéré… Malgré tout et contre toute attente après la sortie du Film « Borat », le nombre de visas délivrés a été multiplié par dix, à croire que l’occident à découvert un nouveau pays qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam avant cela !

Alors que le film a été interdit au Kazakhstan lors de sa sortie en 2006, le gouvernement reconnait aujourd’hui l’intérêt de ce personnage qui a suscité la curiosité au sujet de leur pays.

Lorsque le train s’arrête pour la première fois nous ne comprenons pas trop le message de l’agent de bord quant à la durée, mais nous comprenons que c’est une pause ! Sur le quai il est possible d’acheter de la nourriture pour le voyage, du thé, du café, des boissons fraiches et mets locaux tels que des « Camca » (Prononcer « Samsa »), de la salade, des beignets à la viande,… Le tout est vendu par des femmes qui tiennent de petits stands au plus près du train ! Lorsque l’on remonte, on peut les voir ranger les produits, probablement pour se déplacer sur un autre quai dans l’attente du prochain train !

A bord, un jeune Garçon russe arrive bientôt avec un jeu de carte, et nous demande dans un anglais plutôt bon « Do you want to play Durak with me ? ». Le Durak est un jeu de carte stratégique très intéressant! Lorsque Kévin m’a appris à y jouer à Antalya en Turquie, j’avais beaucoup apprécié tout en étant loin d’imaginé que c’est probablement le jeu de carte le plus joué en Asie Centrale !

De nombreuses parties de cartes, un bol de nouille chinoise, un nombre incalculable de tasses de thé, et c’est bientôt l’heure d’aller se coucher. Malgré que nous ayons pris la dernière classe, les couchettes sont très confortables bien qu’un peu courtes pour moi… La fenêtre entrouverte, le vent arrive directement sur moi lorsque je me couche ce qui est très agréable vu la chaleur écrasante qu’il fait à l’intérieur du wagon qui a roulé sous le soleil toute la journée !

La deuxième journée passe dans les mêmes conditions, Durak, lecture, grosse chaleur, tasses de thé et noodles ! Nous arrivons à Aqtobe en fin d’après midi, nous devons y effectuer un changement, et nous sommes un peu inquiets car dans le train entre Aqtobe et Almaty, nous avons entendu dire qu’il y a trois couchettes superposées et non deux comme dans le premier. En gros, l’emplacement pour les bagages servirait à faire dormir une personne de plus qui aurait demandé la classe éco! Nous appréhendons donc un peu les deux jours qui nous séparent encore d’Almaty, mais surtout les deux nuits !

Lorsque le train arrive, la réalité est un peu différente de ce que nous avions compris, il y a bien trois couchettes superposée, nous sommes bien sur celle qui se trouve la plus en hauteur, mais le train est bien plus récent, et organisé totalement différemment, finalement il est même plus confortable que le premier et même climatisé ! Je fais connaissance avec les personnes qui partagent la même cabine que moi, et nous sympathisons rapidement ! Parmi ces gens il y a Kayrat, un Kazakh qui vie à Aqtobe mais qui se rend à Almaty pour le lancement d’une gamme de parfum dont il est le responsable commercial.

Kayrat parle un tout petit peu anglais, et est content de pouvoir s’entrainer un peu, et nous faison la connaissance de Baour, un jeune Kazakh très sympas qui parles lui aussi anglais, et qui servira de traducteur pendant ce voyage!

Le voyage semblera passer un peu plus vite que le précédent, les steppes continuent de défiler au rythme des tasses de thés, prise en cabine ou au wagon restaurant !

Durant ce trajet j’apprendrais à lire l’alphabet cyrillique (Je ne comprends pas le sens de ce que je lis, mais c’est utile pour se repérer dans les villes !) et je gouterais du « Kourt », une boule de fromage blanc séchée au soleil ! C’est un peu fort, mais mangeable !

Le train entre en gare d’Almaty après 70 heures de voyage, à l’horizon, fini les steppes, J’aperçois maintenant des montagnes, les premières montagnes du Tian Shan ! Le train s’immobilise, me voila au cœur de l’Asie centrale.