J’avais quitté le Kazakhstan un peu précipitamment après le trek avorté au Big Almaty Lake, et me retrouver à Almaty me fait très plaisir. Je connais la ville et j’y ai des amis! Être dans un endroit familier après plusieurs mois de voyage va me permettre de me reposer un peu.

Il me reste une dizaine de jours libres sur mon visa Kazakh, c’est juste ce dont j’ai besoin pour découvrir un peu la région avant d’entrer en Chine. Finalement pas question de retourner au Big Almaty pour y camper, je veux quelque chose d’un peu plus sauvage ! En faisant quelques recherches j’entends parler des Kol Say Lakes, trois lacs perdus dans les montagnes à l’Est de la ville. Difficile d’obtenir des informations précises au sujet de ces lacs, et difficile aussi de trouver le nom d’un point de départ pour le trek.

Heureusement Andrey, un ami Kazakh que j’ai rencontré lors de mon premier passage ici, en sait un peu plus et me donne quelques informations à ce sujet. J’ai revu Andrey après un mois au Kirghizistan. Les photos et les récits que je partagerais avec lui, qui m’avait un peu mis en garde au sujet de ce pays, lui donnent à ce moment là envie de voyager. Aujourd’hui il est quelque part en Asie du Sud Est, il a traversé toute la Chine en “routard” après avoir fait une demande de congés prolongés à son employeur…

J’ai donc maintenant un peu plus d’informations, c’est à dire que je connais le nom du village où il faut que je me rende pour m’approcher du point de départ du trek. J’ai prévu de m’y rendre seul, mais je poste à tout hasard et sans grands espoirs une annonce sur le site Couchsurfing dans laquelle je propose un trek de trois jours dans les montagnes du Kazakhstan le tout sans informations très précises…

Et pourtant, je reçois un message d’un membre du site, et ce message est… en français ! Pierrick, un strasbourgeois qui s’est lancé le défi de rallier Shanghaï en stop depuis l’Alsace, le tout… en 2 mois seulement, souhaite m’accompagner! Dans la même journée je rencontre, par le biai d’amis communs, Delishka, une Allemande en stage à Almaty, qui souhaite se joindre à nous pour apprécier les paysages de cette région qu’elle n’a guère eu le temps de découvrir jusqu’alors.

Suivre un inconnu, dans des montagnes inconnues, sans carte, dont la ville de départ n’apparait pas sur google map, avec très peu d’informations, ces deux personnes m’épatent d’entrée!

C’est avec Pierrick que nous trouverons finalement le lieu où chaque matin un Mashroutka part pour “Satı”, point de départ mystérieux du trek.

Six heure du matin, dans une rue aux abords de la gare, nous attendons le départ, le chauffeur attend de faire le plein pour prendre la route. Et ce chauffeur là n’attend pas seulement le plein, mais la surcharge! Le véhicule est plus qu’inconfortable, nous qui pensions finir de nous reposer durant le trajet… Je suis sur un siège pliant dont la mousse s’est enfuie il y a longtemps pour laisser le passager apprécier la structure en fer et ce n’est rien comparé à Pierrick qui est assis sur un tabouret en fer fait maison sans dossier… Surchargé, dans une chaleur étouffante, le voyage prend encore une autre tournure lorsque, après une courte pause, tous les occupants on fait acquisition de très nombreuses pastèques et de kilos de fromage séché…

Mais tout le monde reste souriant, il n’y a guère que moi qui peste un chouia, lorsqu’une vieille dame me met sa dernière pastèque dans les mains parce qu’elle ne sait quoi en faire… Celle-ci insiste pour prendre ensuite une photo avec moi! Ici, malgré l’inconfort, les passagers restent souriants et sont très probablement plus simplement heureux, eux, éduqués à la vie en société, ne réagissant pas en consommateur en toutes les situations.

Alors que le voyage touche à sa fin, un jeune garçon se met à piquer une colère et décide de taper sa mère. Je l’attrape et lui dit quelques mots en Franglais, qui n’enlèvent rien à sa comédie mais qui toutefois le font revenir sur sa décision d’en venir aux mains.

Lorsque nous arrivons à Satı, cette jeune mère de famille nous propose de nous faire conduire au lieu de départ du trek par son mari. Mais avant elle insiste pour nous inviter chez elle pour y prendre un repas, nous acceptons. Son mari occupe de temps en temps un poste de guide dans la région et alors que nous mangeons en famille du poulain en sauce absolument délicieux, il nous annonce que nous allons rejoindre le premier lac… à Cheval!

Les chevaux sont dressés à la perfection et très puissants, bien plus robustes que ceux avec lesquels j’ai trekké 3 jours dans les montagnes au sud du Issyk kul, nous suivons des chemins, puis nous en traçons dans les hautes herbes suivant le guide qui nous conduit à travers le paysage, loin de la route que nous aurions probablement suivie sans lui…

Nous arrivons sur une colline, depuis laquelle nous pouvons voir , en contrebas, le premier lac, bleu turquoise bordé par des montagnes, mais la nuit approchant, nous décidons de monter un peu plus haut pour aller trouver un endroit où camper, nous passerons la nuit sous les sapins. Il a plu récemment et tout est trempé, il nous faut fouiner dans les buissons sous ces même sapins pour trouver quelque chose de sec à brûler pour démarrer le feu.

La nuit ne sera pas très reposante, le terrain est légèrement en pente, et de nombreuses racines se dessinent à la surface de la terre. Nous sommes donc réveillés toutes les heures car en bougeant nous avons fini par atterrir sur l’une d’entre elle et nos dos n’aiment pas ça…

Bref. Le lendemain matin ce n’est pas la grande forme avant le départ pour la marche. Mais nous avons de la chance, le temps est ensoleillé! Nous dévalons la première pente et contournons un tout petit village de “vacances” totalement désert et plutôt ancien, qui débouche sur l’entré du parc national. Il faut signaler son entrée car pour visiter ou dormir dans le parc, il faut payer.

S’en suis une marche de plusieurs heures depuis la rive du première lac, juste sublime, vers le second, où nous arrivons une petite heure avant la tombée de la nuit.

La fatigue et l’effort subliment le spectacle offert par le lieu. Une aire de “camping” a été aménagée il y a bien longtemps, mais celle-ci reste très confortable, terrain plat, zone de feu, il y a même des bancs fait avec les moyens du bord. Le lieu reste désert et ce confort ne dénote pas avec le paysage. C’est plus que ce que nous attendions après la longue marche à travers la forêt.

La nuit approche, nous installons le bivouac et alors que je prépare le feu, je saisi par inadvertance une barre métallique chauffée par la braise… Je me brûle le pouce et l’index de la main gauche comme jamais, la surface de la barre métallique est imprimée sur mes doigts! Fort heureusement l’eau froide du lac dans laquelle je trempe mes doigts durant de longues minutes et un stick à lèvre permettront d’en limiter la gravité! Loin de toute commodité, ce genre d’incident fait prendre conscience de la réalité dans laquelle nous sommes! Il fait nuit, nous sommes perdus dans les montagnes, à six heures de marche de la première route depuis laquelle il faut une dizaine d’heures de transport pour atteindre la ville… Pris dans l’action, on oublie parfois qu’ici un petit problème peu rapidement devenir grand!

Le lendemain matin, deux choix s’offrent à nous: essayer de rejoindre le troisième lac sans carte, ou escalader l’une de collines environnantes pour admirer le paysage. Delishka est fatiguée de la deuxième nuit durant laquelle elle a eu froid et ne souhaite pas s’aventurer plus loin. Nous laissons donc nos affaires au camp où elle reste et partons, avec Pierrick, à l’assaut d’une colline. Vu du camp, cela semble être une promenade de santé! Mais lorsque nous commençons l’escalade, c’est une tout autre chose, la pente est très abrupte, le chemin est parfois accidenté, parfois inexistant ! Il nous faut alors traverser des zones de très hautes herbes dans lesquelles se cachent toutes sortes d’insectes et dans lesquelles nous trébuchons parfois tant il est impossible de voir où l’on met les pieds. Nous passons quelques minutes au sommet puis nous redescendons suivant notre chemin précédemment tracé, droit dans la pente.

De retour au bivouac, nous décidons de nous risquer à nous baigner avant de prendre le chemin du retour. L’eau glaciale du premier lac ne nous a pas permis d’y nager, engourdissant nos jambes jusqu’à la douleur en quelques secondes à peine, mais nous arrivons à passer quelques instants dans le second, pourtant situé à une altitude 400m plus élevée que le premier et très froid, il est moins profond et c’est probablement la raison de la différence de température. Après l’escalade sous la chaleur accablante, au milieu des montagnes kazakhes, c’est un pur bonheur.

Nous devons maintenant retourner à Satı, sans cheval cette foi-ci! Fatigués de la marche, je tente le stop au milieu des montagnes lorsqu’un tracteur arrive à notre hauteur! Il accepte de nous faire monter dans la benne qu’il tracte… pleine d’ordures! Un lift plutôt inattendu pour cette fin de trek!

Nous passons une dernière nuit dans une “maison d’hôte” de “Satı” que nous avons finalement trouvé puisque le conducteur du tracteur nous y déposera, et reprenons le Machroutka direction Almaty le lendemain matin aux alentours de cinq heure.

Me voila de retour à Almaty pour la dernière fois de ce voyage! Ma prochaine destination c’est l’Empire du milieu, et comme Pierrick et moi avons le même trajets pour les 3000 prochains kms,et que nous utilisons le même moyen de transport, l’autostop, nous décidons de voyager ensemble ! Nous quittons donc Almaty le surlendemain, aidé par notre hôte, Nazh Sayli, qui nous fera conduire en voiture de société à l’extérieur de la ville, merci à lui! Et nous commençons le stop pour rejoindre la frontière Chinoise.

A travers les paysages arides et les rencontres avec les conducteurs Kazakhes nous arrivons à la frontière dans la soirée. Celle-ci est fermée, car nous l’atteignons tardivement bien que le stop ait fonctionné à merveille.

Le matin suivant, nous nous présentons au premier poste frontière. Derrière ces kilomètres de barrières et de barbelés, impossible de voir la Chine tant la frontière entre ces deux pays est large, mais elle est bien là, à quelques kilomètres de nous et d’ici une heure ou deux, nous pourrons en fouler le sol… si un bus accepte de nous prendre, puisqu’il est impossible de la traverser à pied!

L’Asie Centrale me manque déjà, mais j’y reviendrai!